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Julien Lahaie : « La Vallée de la chimie s'inscrit dans une logique décarbonée » - Essor Isère

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Julien Lahaie : « La Vallée de la chimie s'inscrit dans une logique décarbonée »
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Territoire stratégique au sud de Lyon, la Vallée de la chimie a opéré sa mue depuis près de dix ans capitalisant sur une expertise traditionnelle dans le domaine de la chimie et du pétrole. Julien Lahaie, directeur de la mission Vallée de la chimie (qui dépend de la Métropole de Lyon), témoigne d'une réinvention certaine de cette plateforme industrielle via le segment des cleantech et récemment retenue par l'Etat comme territoire clé en ce qui concerne la relocalisation industrielle. Pour l'ingénieur-urbaniste, il s'agit plus d'une opportunité de créer de nouvelles filières que d'aller chasser des entreprises déjà implantées sur d'autres territoires. Une démarche de co-construction ainsi induite avec les industriels pour développer une nouvelle façon d'appréhender l'industrie décarbonée de demain.

De quelle manière s'inscrit la mission Vallée de la chimie » dans le développement de ce territoire industriel historique ?

La mission a été créée en 2013 à l'initiative des industriels qui avaient demandé à la Métropole de Lyon que la collectivité puisse intervenir de manière plus forte sur ce territoire. Un territoire qui développait une image dégradée auprès des grands lyonnais et qui n'avait plus connu de grands développements depuis une quinzaine d'années.
Aussi, dans cette période où le foncier se faisait rare, la Vallée de la chimie est apparue comme un axe économique fort de développement.
La mission regroupe une dizaine de personnes avec comme objectif : l'accompagnement des industriels déjà implantés dans leurs projets de transition décarbonnée mais également dans leur ambition de se faire mieux accepter par rapport à leurs activités traditionnelles qui génèrent des nuisances. L'incident de l'usine Lubrizol à Rouen l'année dernière le rappelle de manière retentissante.
Nous avons développé par ailleurs en 2015 un autre volet à travers « L'Appel des 30 ! » qui vise à aller chercher de nouveaux projets industriels en chimie, énergie et environnement pour rendre ce territoire plus attractif et compétitif.
Ce n'est pas tant l'exploitation financière de certaines de leurs friches qui intéresse les industriels de la Vallée de la chimie mais plutôt le partage de services : restaurant d'entreprise, poste de garde, médecin du travail… Autrement dit, la réduction charges fixes qui pour certains sites classés Seveso sont extrêmement lourdes.
Sur les trois éditions de « L'Appel des 30 ! », nous enregistrons 71 projets dont 30 sont implantés ou en cours d'implantation, à l'instar de Safran qui va construire une usine de freins d'avions d'ici 2024 à Feyzin.
Citons également Michelin et Faurecia qui se sont alliés pour créer Symbio, une usine de piles à hydrogène dont la construction débutera en fin d'année sur l'ancienne friche BASF.


Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez actuellement ?


Nous travaillons par exemple avec la CNR sur un projet d'unité d'électrolyseur pour la fabrication d'hydrogène vert à partir du barrage hydroélectrique de Pierre-Bénite.
La Vallée de la chimie passe donc progressivement d'une activité chimique et pétrolière à un mix chimie-environnement plus décarbonné.
A mentionner aussi les projets Suez CSR (combustible solide de récupération, 50 M€) sur le site de Domo Chemicals ou le chantier de l'usine Metalor (15 M€) qui va déménager d'Oullins à Saint-Fons pour installer une usine de traitement de métaux précieux pour des usages industriels.
Nous accompagnons aussi des projets de services comme celui de la captation de chaleur fatale, c'est à dire de récupération. Les process de fabrication des grands industriels de la vallée engendrent la production vapeur qui n'est pas toujours utilisée. Cette vapeur sera ensuite réinjectée dans nos réseaux de chauffage urbain. C'est aussi un enjeu que de reconnecter la plateforme industrielle au territoire habité pour renforcer l'acceptabilité de ces industriels auprès de la population.


Quel est le rôle de la puissance publique dans la réinvention de la Vallée de la chimie ?


La Métropole de Lyon joue un rôle d'ensemblier. Notre appui facilite et rassure sur les enjeux de transition énergétique auxquels les industriels sont confrontés. Nous ne signons pas de chèque en blanc lorsque nous aménageons des zones pour faciliter l'implantation des industriels. Il s'agit plus d'une logique gagnant-gagnant. Je pense notamment à la création d'emplois sur une aire métropolitaine qui concentre 17 % d'emplois industriels. La Métropole accompagne donc mais demande des contreparties sociétales, environnementales et économiques. Avec l'idée de créer de nouvelles filières et non pas d'aller chasser sur d'autres territoires, à l'image de Symbio. A l'inverse, grâce aux industriels nous avons créé une société publique-privée autour de l'installation de 40 000 m2 de panneaux photovoltaïques sur des terrains privés, répondant aux enjeux du schéma directeur de l'énergie de la Métropole de Lyon. Nous développons aussi une filière autour du paysage car du fait des risques technologiques, nous possédons 400 hectares de terrains qui ne pourront plus accueillir d'habitations, de bâtiments publics, d'activités économiques. Pour autant on ne peut pas ne pas agir. Nous utilisons ces terrains pour implanter de la biomasse et alimenter nos réseaux de chaleur, ou des sites pilotes sur des techniques avancées de dépollution des sols. Sans oublier le développement des terres fertiles avec la création de plateformes qui fertilisent les terres pour tous les projets de la métropole.

« Nous sommes un guichet unique en ingénierie financière »

La Vallée de la chimie vient d'être retenue comme site clé en matière de relocalisation industrielle. Quels en sont les enjeux ?


L'Etat a lancé une démarche pour identifier des sites qualifiés de « clés en main » avec l'objectif de faciliter la réindustrialisation de la France. En somme, faciliter les procédures réglementaires (permis de construire, études environnementales, connexions aux diverses utilités). L'Etat, les collectivités et les partenaires des industriels s'engagent sur des délais courts pour inciter des entreprises (notamment installées à l'étranger) à se réimplanter rapidement en Vallée de la Chimie. Nous avons donc été labellisés parmi 66 sites nationaux. Nous sommes en fait un guichet unique en ingénierie financière. En deux mois il faut pouvoir donner à l'industriel un prix, un terrain et une durée.


La Vallée de la chimie est-elle justement attractive ?


Nous travaillons sur l'attractivité et non pas que sur l'exogène. Nous nous appuyons sur l'Aderly pour aller chercher de nouvelles filières. Pour le reste, nous capitalisons sur l'expertise en interne de la mission et le segment des cleantechs en chimie-environnement. Nous accompagnons ainsi les start-up, entreprise et jeunes entrepreneurs qui travaillent sur ces sujets, à travers des parcours immobiliers et fonciers (locations de laboratoires …) afin qu'ils se projettent dans le futur, à l'image de Deltalys qui développe des solutions en biogaz et lauréate de « L'Appel des 30 ! ».


Quid du foncier disponible et des enjeux associés ?


Lorsque nous avons débuté « L'Appel des 30 ! » en 2013, il restait 60 hectares de foncier disponible en friche. En 2020, 20 hectares sont encore disponibles dont 15 hectares situés sur des sites Seveso. Notre projet de requalification de la Vallée de la chimie court jusqu'en 2030. Dans cette perspective et en anticipant un manque de foncier, nous avons lancé un programme d'accompagnement des industriels dans leur renouvellement de sites, certains bâtiments aujourd'hui n'étant plus forcément utilisés et pourraient être revalorisés. Nous croyons aussi beaucoup à une logique de grand territoire, en relation avec la Vallée du Giers et le Parc Industriel de la Plaine de l'Ain qui disposent de fonciers et vers lesquels nous redirigeons certaines entreprises qui nous sollicitent.


Peut-on parler de relocalisation dans la Vallée de la chimie ?


Nous croyons plutôt à la localisation de nouvelles activités. La relocalisation en Vallée de la chimie pourrait plutôt se réaliser au niveau de la R&D et des chercheurs de grands groupes basés par exemple à l'étranger et que le territoire pourrait accueillir grâce à vivier de talents et des industriels déjà présents. En veillant à ce que la Vallée de la chimie ne devienne pas non plus un campus. Le risque qui pourrait poindre serait que sur le long terme, les activités productives s'en aillent et qu'il ne reste que des chercheurs. Nous ne sommes pas un technopôle mais une plateforme industrielle.


Justement, quelles sont les activités complémentaires que vous promouvez ?


Avec la trentaine de projets implantés localement via « L'Appel des 30 ! », l'ADN chimie-pétrole s'élargit vers de la chimie bio-sourcée. Le projet de Carbios, une PME originaire de Clermont-Ferrand, s'implante à Saint-Fons chez Kem One pour recycler le plastique à l'infini via le retraitement des bouteilles plastiques.
Le sujet des nouvelles énergies comme l'hydrogène, la biomasse et le photovoltaïque nous anime aussi beaucoup.
Nous avons également de nombreux projets sur les matériaux composites et les terres. A l'image de Terenvie, qui associe Serpol (groupe Serfim à Vicat) et qui ont construit une plateforme de dépollution via la phyto-remédiation.
L'objectif est d'accélérer la transition des grands sites industriels existants vers ces nouveaux sujets qui concourent à la décarbonation du territoire.


« Les entreprises ont compris les enjeux sur la décarbonation de leurs activités »


Un territoire attractif est aussi un territoire accessible. Quels sont les sujets de mobilité qui vous animent ?


C'est un enjeu fort pour le territoire car nous recensons de plus en plus de salariés sur la Vallée de Chimie et qui sont de moins en moins autosolistes avec une vraie appétence pour les déplacements plus doux. Nous avons engagé, sur la période 2014-2020, un programme de traitement des infra-ruptures pour décloisonner certains passages entre le Rhône, le canal de navigation, l'autoroute, le périphérique et l'autoroute. Il n'y a qu'un seul franchissement entre Vernaison et Solaize et entre Gerland et Givors. Un nouveau pont sera aménagé entre Vernaison et les Îles. Nous avons aussi réalisé 15 km de voies en mode doux. La principale demande concerne le vélo.
Nous avons également mis en place un système de transport à la demande en partenariat avec le Sytral pour toute la Vallée de la chimie pour les salariés mais aussi les habitants.
L'enjeu est aussi de s'appuyer sur le rail dont l'infrastructure existe déjà mais qui n'est pas assez utilisée pour desservir la Vallée de la chimie. Entre le sud de Gerland, Givors et Pierre-Bénite, il y a huit haltes ferroviaires, sauf que la fréquence et la desserte ne sont pas adaptées. Un système type RER avec un tarif combiné pourraient répondre à cet enjeu fort de déplacement.


La Vallée de la chimie, c'est aussi un territoire habité avec des enjeux forts de politique publique ?


C'est un territoire qui compte avec 100 000 habitants. On réhabilite actuellement près de 5 000 logements en raison des risques technologiques inhérents aux activités industrielles. Ce sont des travaux obligatoires pour les propriétaires notamment avec le remplacement des ouvertures et des portes (filmage, châssis renforcés, pièces de confinement), pris en charge à 100 % par l'industriel à l'origine du risque, la Métropole, la Région et l'Etat.


Quels sont les garde-fous en matière de prévention environnementale ?

Les entreprises elles-même ont compris les enjeux sur la décarbonation de leurs activités. L'Etat via la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) effectue les contrôles de la qualité de l'air et de l'eau. Ces contrôles sont réalisés en permanence.
La Métropole de Lyon est aussi très mobilisée car elle porte un plan ambitieux sur la qualité de l'air, dans lequel nouds voulons embarquer les industriels. Ceux-ci travaillent déjà sur ces questions environnementales. Atmo (Indice qui permet d'évaluer la qualité de l'air dans les zones habitées par au moins 100 000 personnes) objective sur la qualité de l'air pour co-constuire la connaissance par rapport à ces risques.
Travailler sur la rénovation thermique des bâtiments, la mobilité et l'industrie nous permettra de travailler sur des objectifs ambitieux.

Propos recueillis pas Julien Thibert




Julien THIBERT
Journaliste

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August 10, 2020 at 11:03AM
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