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Au Grand Rex, l'extravagance millimétrée de Robert Charlebois - Le Monde

Robert Charlebois lors de son spectacle « Robert en CharleboisScope », le 2 décembre 2022, à la salle Wilfrid-Pelletier, à Montréal.

Le 6 décembre 2019, vendredi de petite neige. Tout ce qui compte dans la Belle Province, et même ceux qui comptent pour du beurre, le « Tout-Montréal » qui se désigne pour rire le « Montréal Inc. », au parterre. Ni supershow à l’américaine ni gonflette de music-hall, du jamais-vu… Avec ses écrans plein pot, ses incrustations, ses citations cinématographiques, ses seize chansons, son orchestre, le Robert en CharleboisScope réussit cet exploit de ne pas verser dans le tape-à-l’œil surjoué.

Au centre, bondissant, déhanché, silhouette svelte et bouclettes aux quatre vents, voix immuable, entrain canaille, il y a Robert (78 ans), plus inventif qu’un Petit Robert alphabétique (dictionnaire), moins lourd que le Grand, ce Charlebois dont on fait des flûtes, pur cadeau pour la francophonie, grand pourvoyeur de tout petits riens et de grandes merveilles.

Aux manettes, d’étonnants créateurs visuels – La Tribu, le Groupe Cirque du Soleil, Champagne Club Sandwich – orchestrés par Claude Larivée, dix musiciens dirigés par Daniel Lacoste, une armée de petites mains, tous et toutes dévoués à la cause, au « chanteur ordinaire », seul capable de phénomènes extraordinaires pour enfin « qu’ça clique ! ».

Dans l’ombre, ange tutélaire parmi les anges, veille Laurence Charlebois, médiatrice, coordinatrice, pacificatrice, celle dont l’énergumène bimoteur à hélices déclare (d’amour) : « Je lui dois absolument tout. Je n’aurais pas fait cette carrière qui dure depuis une soixantaine d’années, sans elle. » Autofiction pour corps réels, extravagance millimétrée, écrans géants pour émotions intimes, fête de l’imaginaire d’un artiste littéralement unique, c’est une diablerie pensée, pataphysique, et même pataphysique quantique.

Taper dans l’œil d’Aragon

Le vol interplanétaire des sons et lumières dure 100 minutes (selon l’inspecteur des impôts), une seconde (pour le poète), une éternité (pour le commun des mortels). Le poète, parlons-en. A la première page de son premier livre, Anicet ou le Panorama, roman (1921), Aragon raconte ceci : apprenant qu’Anicet était poète, ses parents « se rangèrent à l’avis universel, puisqu’ils firent ce que tous les parents de poète font : ils l’appelèrent fils ingrat et lui enjoignirent de voyager ».

Et les parents de Robert ? Sa mère, « tricoteuse catholique », l’espérait avocat ou prêtre… Son père, industriel, nourrissait de vastes desseins. Eh bien, ils l’inscrivirent sur-le-champ à l’Ecole nationale de théâtre. C’est son côté irrésistible, mais aussi ce qui lui fait dire : « J’ai eu des parents formidables. Plus Laurence, qui est extraordinaire. » Voilà le secret.

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