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Innovation ou pur gadget, que sont ces taxis volants qui seront expérimentés à Paris ? - Libération

Décryptage

Innovation ou pur gadget, que sont ces taxis volants qui seront expérimentés à Paris ?

Le gouvernement a autorisé mardi 9 juillet le déploiement dans la capitale d’aéronefs électriques au look futuriste, critiqués pour leur coût financier et écologique. Mais ils ne pourront pas encore transporter de passagers, faute d’autorisation européenne.
publié aujourd'hui à 5h50

Métros bondés, rues bloquées et même ciel obstrué ? Le gouvernement vient d’ajouter la touche finale au tableau des Jeux olympiques de Paris, mardi 9 juillet, en autorisant par arrêté la création d’un héliport au cœur de la capitale, qui permettra de faire décoller et atterrir à titre expérimental des «eVTOL», surnommés taxis volants. Le temps des Jeux, les regards seront tournés vers la France. L’occasion parfaite pour les porteurs de ce projet, qui vantent une première mondiale. Mais la mairie de Paris, qui compte déposer un recours, voit dans cet arrêté pris au lendemain des élections législatives le signe d’un «dernier cadeau fait aux plus riches». Libération fait le point sur ces aéronefs électriques au look futuriste.

Des taxis volants, quèsaco ?

Un cockpit posé sur des patins d’atterrissage, le tout surmonté d’une couronne de 18 hélices. Les eVTOL, pour «electric vertical take-off and landing» («atterrissage et décollage électrique vertical», en français), ne relèvent plus de la science-fiction. La société allemande Volocopter – qui surnomme ses engins des «Volocity» – est en train de concrétiser ce pari technologique. D’une autonomie de 35 petits kilomètres, cet hélicoptère d’un nouveau genre peut voler jusqu’à 110 km/h et transporter un seul passager en cabine, en plus du pilote.

Quand est prévu le premier vol ?

Le nouvel héliport autorisé ce mardi sera déployé sur une barge amarrée au quai d’Austerlitz. Exploité par le groupe Aéroports de Paris, il permettra de le relier à d’autres «vertiports» situés aux abords de la capitale, comme à Issy-les-Moulineaux. Mais attention, il ne faut pas imaginer pouvoir embarquer pendant les Jeux olympiques. A l’heure actuelle, les promoteurs de ces appareils volants n’ont pas obtenu de certification de l’Agence européenne de sécurité aérienne, qui permet d’embarquer sans danger des passagers.

Au ministère de la Transition écologique, on rappelle que «l’arrêté pris ce matin, c’est uniquement pour créer un vertiport». «Il pourra y avoir un lancement effectif de l’expérimentation uniquement lorsque les porteurs du projet auront obtenu les autorisations», souligne le ministère. Et même si l’arrêté prévoit des horaires d’exploitation des Volocity (entre 8 heures et 17 heures dans la limite de deux vols par heure) pour le moment, ils voleront donc à vide. «Nous ne sommes pas sur la mise en place de lignes de taxis volants dans le ciel de Paris, veut rassurer le ministère. Les eVTOL, c’est extrêmement nouveau, donc cela pose tout un tas de questions d’un point de vue réglementaire comme sur l’insertion dans l’espace aérien ou la classification des appareils.»

Loin d’être une véritable offre de transport, les vols de démonstration qui auront lieu lors des Jeux olympiques – une première mondiale en milieu urbain dense – ne semblent avoir qu’un seul but : impressionner la galerie. «La région Île-de-France va être une vitrine vis-à-vis du monde extérieur, on veut montrer qu’on est dans l’innovation», explique-t-on au conseil régional. En revanche, si Volocopter parvient à obtenir sa certification d’ici au 31 décembre 2024, date limite de l’expérimentation, des personnes pourront bel et bien s’installer dans le cockpit d’un Volocity. La société ne nous avait pas encore répondu lors de la publication de cet article.

Quelles critiques s’attirent ces taxis volants ?

Si les Volocity venaient à sillonner le ciel de Paris, ils ne seraient pas si accessibles. Pour la course, il faudra débourser aux alentours de 135 euros. «Donc vous comprenez bien que les clients ciblés sont les plus privilégiés, constate David Belliard, l’adjoint écologiste aux transports de la ville de Paris, qui voit d’un mauvais œil le timing de cet arrêté. Ce gouvernement n’a plus de légitimité démocratique depuis les élections législatives, et malgré ça, il fait du passage en force. L’impression que ça me donne, c’est que c’est le dernier cadeau fait aux plus riches et aux lobbys.»

L’élu pointe également la région Île-de-France qui a financé une partie de ce projet, «qui ne répond pas aux enjeux de mobilité», selon lui. «Quand on sait que 9 millions de personnes prennent les transports en commun tous les jours en Île-de-France, il faudrait au contraire investir massivement là-dedans, développe-t-il. Visiblement nous n’avons pas la même appréciation, avec madame Pécresse, de ce qui relève de l’utilité et du gadget.» L’entourage de la présidente LR de la région s’en défend : «Nous investissons plus de 10 milliards d’euros par an dans les transports. Sur ce projet, on a mis un million. Franchement, c’est comparer des choses absolument incomparables.»

Un mode de transport écologique, vraiment ?

C’est l’autre grand argument des défenseurs du Volocity : il ne polluerait pas et ne fairait pas de bruit. Mais ce n’est pas si simple que cela. A la mairie de Paris, dont le conseil municipal a voté à l’unanimité contre ce projet, on dénonce «une empreinte carbone largement supérieure à celle d’un taxi classique et une pollution visuelle», résume David Belliard. Selon lui, le poids de ces taxis volants nécessite une grosse quantité d’énergie «à déployer et donc à produire». L’élu écologiste les compare aux voitures électriques : «Elles sont plus écologiques que les voitures thermiques, mais ça n’enlève pas le fait qu’elles ont une empreinte carbone très importante». Avant de nuancer : «Les taxis volants ne sont pas une solution écologique mais une solution un tout petit peu moins polluante.»

Des arguments balayés par le gouvernement. «Evidemment, nous entendons ces critiques, mais encore une fois, il s’agit d’une expérimentation, il faut davantage insister sur le caractère innovant que sur les problèmes que cela créerait s’ils étaient généralisés», plaide-t-on au ministère, qui insiste sur la possibilité de les utiliser ultérieurement – grâce à des versions plus grandes – pour les transports sanitaires d’urgence de malades ou de greffons.

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