
Comment faire naître l’émotion en mettant en scène, sur le mode de la fiction, un événement que tout un chacun a déjà vécu en direct ? La question s’est posée à de multiples reprises, au sujet des attentats du 11 septembre 2001, par exemple. Cinq ans après l’effondrement des tours jumelles, deux cinéastes y répondaient de façon très différente. Pendant que Paul Greengrass donnait l’allure d’un documentaire au récit du détournement du vol 93 de United Airlines (Vol 93), Oliver Stone faisait du destin d’un pompier une expérience mystique (World Trade Center). Le matériau obligeait les réalisateurs à naviguer entre la relation de faits déjà connus, l’absence de suspense et le respect dû aux milliers de victimes.
L’incendie de Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019, dispense de cette dernière contrainte les candidats à la mise en fiction, puisqu’on dénombra deux blessés une fois les flammes éteintes. Reste à redonner vie à une surabondance d’images spectaculaires. De la première colonne de fumée aux dernières braises, en passant par la chute de la flèche et l’effondrement de la charpente, chaque moment a été filmé sous des angles aussi nombreux qu’il y a de chaînes d’information installées à Paris (plus les drones du ministère de l’intérieur), avant d’être vu et revu sur les réseaux sociaux.
Tressé d’artifices
L’entreprise a d’abord attiré Jean-Jacques Annaud, qui, avec le scénariste Thomas Bidegain, a tenté un film dépourvu de pathos, et parfois teinté d’ironie, Notre-Dame brûle (2022), un peu à la manière de Paul Greengrass. Le titre du film d’Annaud, sec comme un urgent de l’AFP, contraste avec l’emphase de celui de Notre-Dame, la part du feu, série d’Hervé Hadmar (créateur, réalisateur et coscénariste avec Olivier Bocquet), que Netflix met en ligne le 19 octobre.
Dans l’imaginaire du créateur des Oubliées (2008) et de Pigalle, la nuit (2009), l’incendie devient une ordalie qui décide du destin d’une poignée de personnages. Notre-Dame, la part du feu a beau être une série, elle revient aux règles du film choral, inventé à Hollywood au temps de Grand Hotel (Edmund Goulding, 1932), et de son descendant, le film catastrophe, dont l’un des prototypes fut La Tour infernale (John Guillermin, 1974).
En décidant de forger quelques destins parisiens au feu de la cathédrale, Hervé Hadmar tourne très délibérément le dos à l’exactitude. Restait à préserver la cohérence et une forme de vraisemblance. C’est là que l’édifice vacille. Au centre du récit, il y a des pompiers, bien sûr. Un général qui doute (Roschdy Zem) après avoir perdu son fils, lui-même soldat du feu, dans une explosion ; une colonelle volontariste (Caroline Proust), que sa foi pousse à sauver à tout prix la couronne d’épines préservée dans la sacristie, dont le film d’Annaud rappelle qu’elle fut achetée par Saint Louis au prix de la santé financière du royaume ; une néophyte (Megan Northam) qui se remet tant bien que mal de l’explosion dans laquelle a péri le fils du général.
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