«Why in the fuck is anyone watching the Golden Globes ?» pestait dimanche Manohla Dargis, l’une des plumes phares des pages cinéma du New York Times, qui n’était manifestement pas de perm à son journal ce soir-là, mais sur Twitter, alors que s’ouvrait la cérémonie orchestrée depuis des lustres par la Hollywood Foreign Press Association en avant-goût des oscars – différés, eux, en cette saison particulière à la fin avril. Soit donc, en gros et en chaste français : «Pourquoi diantre quiconque regarderait les Golden Globes ?» Avant d’étayer. «C’est stupide. Tout le monde sait que [les Golden Globes] sont stupides, mauvais pour les films (et votre cerveau). Personne n’a besoin de voir ça, sinon les malheureux reporters qui sont littéralement payés pour regarder. Donc pourquoi des gens s’acharneraient à regarder cette merde, même “ironiquement” ? Allez regarder un film, bordel de merde.» A la sortie de la journaliste, à laquelle on ne saurait donner tort, on peut toutefois opposer que sont également plus ou moins chèrement rétribués pour assister à cette foire aux vanités des tripotées de communicants, agents, employés de marques de luxes ayant relooké les nommés et remettants (qui n’auraient sans cela rien trouvé à se mettre), collaborateurs non ou mal crédités – le coréalisateur afro-américain de Soul, Kemp Powers, aurait incidemment appris à quelques heures de la cérémonie que la nomination (victorieuse) du film le concernait aussi –, et bien entendu les principaux intéressés : cinéastes, producteurs, interprètes, artisans et techniciens de cinéma ou de fictions télévisées, appelés à être pour la plupart déçus mais pour une fois pas forcés de conserver pour le reste de la soirée un sourire de convenance puisque chacun demeurait chez soi et susceptible de bazarder la télé par la fenêtre du penthouse.
Quel spectacle fut néanmoins offert aux spectateurs tarifés ou non, pour une fois tous renvoyés à une forme d’horizontalité de la retransmission sur canapé ? Essentiellement celui d’un énième apéro ou réunion corporate sur Zoom, comme si l’on n’en avait pas suffisamment soupé – certes toutes caméras allumées (so mars 2020) –, avec connexions qui lâchent et micros qui crachent, animatrices rodées mais distanciées comme jamais (Amy Poehler et Tina Fey cinglaient l’une depuis New York, l’autre depuis Los Angeles), et comme de coutume des torrents de discours et de morceaux de gratitude speechless, dont le plus vibrant, prononcé par la veuve de l’acteur Chadwick Boseman récompensé à titre posthume, rendait à l’affaire sa dimension toute virtuelle : «Il dirait quelque chose de magnifique, quelque chose d’inspirant.»
Ils ont vu Netflix tout rafler ou presque sur un front que pas grand monde ne lui dispute encore, les séries (avec ses locomotives The Crown et le Jeu de la dame), mais se cogner une fois encore, malgré des nominations à la pelle, contre le foutu plafond de verre ancien qui leur refuse le trophée du meilleur film, même en cette année où plus grand monde n’était là pour leur disputer l’attention des cinéphiles du monde entier – sinon Disney, une petite boîte qui monte, fondée en 1923, dont l’une des dépendances a commis Nomadland, de Chloé Zhao, déjà Lion d’or à Venise et double vainqueur de la soirée (meilleur film et meilleure réalisatrice). Le troisième long métrage (après les beaux The Rider et les Chansons que mes frères m’ont apprises) d’une cinéaste talentueuse au style hypersensible, dont le portrait – d’après une foule sentimentale d’histoires vraies – d’une constellation d’existences sans attache sillonnant les Etats-Unis en van pourrait apparaître un antidote rêvé à notre ère confinée s’il n’était aussi accablant de vacuité politique. En France, ce favori des oscars est attendu dans les salles pour fin avril – sous réserve, bien sûr, d’une improbable réouverture d’ici-là.
En attendant, on a compté les guitares exposées dans le salon d’Aaron Sorkin ou reluqué le toutou de Regina King, possiblement loué à une grande marque pour l’occasion. On a vu les instigateurs de la noce, ciblés à la fois par une enquête dénonçant des pratiques douteuses (entre corruption et dissimulation fiscale) et des accusations d’étanchéité à la diversité (pas un des quelque 90 membres actuels de la Hollywood Foreign Press Association, qui organise, n’est noir), annoncer qu’après mûre concertation en réunion non-mixte dans le bain à remous d’un palace, ils avaient décidé de changer et tout faire mieux la prochaine fois. Ou la suivante. Car plutôt que s’enorgueillir du sacre de Chloé Zhao, seulement la deuxième réalisatrice couronnée, ils devraient se rappeler que la précédente et pionnière fut Barbra Streisand, pour Yentl, qui s’était alors en substance émue que son prix inaugure «de nouvelles opportunités pour tant de femmes de talent». C’était en 1984, il y a trente-sept ans – pas grand monde ne s’en souvient, et pourtant, à l’époque déjà, beaucoup trop de gens regardaient ça.
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